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La loi d’Eroom, l’industrie pharmaceutique de demain et Resolving Pharma

372. C’est le nombre de jours s’étant écoulés entre la découverte du premier cas de Covid-19 à Wuhan et la vaccination de Margaret Keenan dans le centre de l’Angleterre, première personne au monde à recevoir une dose de vaccin anti-Covid après sa commercialisation. Jamais dans son histoire, l’humanité n’aura été aussi rapide à trouver une solution à une nouvelle maladie. Pour autant, cet éblouissant succès de l’industrie pharmaceutique ne doit pas nous aveugler : le développement de nouveaux médicaments est de plus en plus inefficient. Plus que jamais, des initiatives permettant d’utiliser la technologie dans la recherche et le développement de nouveaux médicaments sont indispensables au maintien du progrès de l’innovation.

L’industrie pharmaceutique est cassée. Elle ne pourra pas, sur les bases actuelles de ce que sont ses moyens et méthodes de recherche et développement, reproduire dans le futur les progrès médicaux dont elle a été à l’origine dans le passé. Chaque nouvelle molécule mise sur le marché coûtera inéluctablement plus cher à développer que la précédente. C’est en tout cas, ce qu’énonce la loi d’Eroom, décrivant empiriquement le déclin de l’efficience de l’industrie pharmaceutique (1). Ainsi, la rentabilité de la R&D des 12 plus grands groupes pharmaceutiques mondiaux a atteint en 2018 son plus bas historique à 1,9% alors qu’elle était encore de 10,1% en 2010 (2).

Figure 1 – Illustration de la diminution de l’efficience de l’Industrie Pharmaceutique : tous les 9 ans, le nombre de médicaments approuvés par la FDA par milliard de dollars dépensé en R&D diminue de moitié (1).

En dépit de nombreuses avancées scientifiques auxquelles les dernières décennies nous ont permis d’assister (augmentation de la taille des chimiothèques, identification de nouvelles cibles thérapeutiques par le séquençage ADN, bases de données de protéines en trois dimensions, screening à haut débit, utilisation d’animaux transgéniques, etc) et du fait que ces avancées nous permettent à la fois de produire plus de candidats-médicament et de les sélectionner avec davantage d’acuité, différentes problématiques structurelles de l’industrie pharmaceutique font s’envoler au fil des années les fonds nécessaires à la mise sur le marché d’une nouvelle molécule.

La littérature a permis d’identifier certaines causes de ce phénomène :

  • La nature structurellement incrémentale de la qualité de chaque nouveau produit proposé par l’industrie pharmaceutique : en effet, chaque nouveau médicament, pour être commercialisé et remboursé, doit présenter une efficacité supérieure ou au moins non-inférieure au médicament correspondant au traitement de référence de la pathologie ciblée.
  • Le durcissement progressif des réglementations, contre lequel il est difficile de lutter et qui est même, pour les patients et les systèmes de santé, très probablement une excellente chose.
  • La tendance au surinvestissement inutile de la part des laboratoires pharmaceutiques, se basant sur les retours sur investissement passés.
  • La concentration des projets de recherche dans des aires thérapeutiques correspondant à des besoins médicaux non-satisfaits, aux taux d’échec supérieurs et aux mécanismes biologiques moins bien connus (3).

D’un point de vue économique, il est ainsi envisageable que le coût du capital (correspondant basiquement au taux de rendement requis par des apporteurs de capitaux au sein d’une entreprise eu égard à la rémunération qu’ils pourraient obtenir d’un placement présentant le même profil de risque sur le marché) devienne supérieur à la rentabilité attendue de la R&D : mécaniquement, les capitaux disponibles diminueront et les entreprises retrancheront leurs budgets dédiés à la recherche, ce qui aura pour conséquence de fragiliser la position des industriels dans la chaîne de valeur du médicament.

Devant ces perspectives peu réjouissantes pour l’industrie pharmaceutique, plusieurs possibilités s’offrent à elle : développer de nouveaux modèles de collaboration avec des sociétés biopharmaceutiques, sous-traitance auprès d’acteurs spécialisés, développement d’une politique d’aversion au risque, mais aussi et surtout le développement de nouvelles méthodes d’innovation. Ce dernier point retiendra principalement notre attention.

Ainsi, Resolving Pharma s’intéressera, à travers une Newsletter dans un premier temps, à documenter les différents moyens technologiques permettant d’améliorer et de rendre plus efficients les moyens de développer de nouvelles thérapeutiques et de soigner les patients. En réponse à cette problématique, Resolving Pharma tentera de fédérer des acteurs variés et complémentaires autour d’une approche audacieuse et radicale de l’innovation et de l’entrepreneuriat. Les thèmes abordés seront l’intelligence artificielle, la blockchain, l’informatique quantique, l’impression 3D et beaucoup d’autres. Chaque numéro, à travers articles et interviews, s’attachera à explorer les différentes opportunités que ces technologies de rupture apportent ou pourraient apporter à un champ particulier du développement thérapeutique. Il mettra également en lumière l’émergence du champ des « PharmaTechs », entreprises technologiques de services à l’industrie pharmaceutique.

Le combat contre la fatalité de la loi d’Eroom est immense et incertain, mais il est de toute façon de notre responsabilité de professionnels de santé de le mener pour les dizaines de millions de patients à travers le monde atteints de maladies incurables et dont la recherche et la science sont le seul espoir d’un avenir meilleur. Chaque long voyage commence inéluctablement par un premier pas et Resolving Pharma est le nôtre. Nous verrons où il voudra bien nous mener.

1) Scannell et al. «Diagnosing the decline in pharmaceutical R&D efficiency», Nature Reviews Drug Discovery, Volume 11/March 2012
2) Unlocking R&D productivity – Measuring the return from pharmaceutical innovation 2028, Deloitte Centre for Health Solutions, 2019
3) Pammolli et al. «The productivity crisis in pharmaceutical R&D» Nature Reviews Drug Discovery, Volume 10/June 2011, pp. 428-438

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Par Alexandre Demailly

Pharmacien diplômé de l’Université de Lille, en France, Alexandre a poursuivi ses études en médicoéconomie à l’Université de Paris-Dauphine puis a développé sa connaissance de l’Intelligence Artificielle en Santé à l’Université de Paris.
Passionné par l’innovation en santé et l’entrepreneuriat, Alexandre est actuellement impliqué dans deux biotechs early-stage dans le domaine des maladies neurodégénératives.

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